lundi 18 janvier 2016

Les Huit Salopards

Huit Salopards (plus un) pris dans un blizzard trouvent refuge dans une mercerie, épicerie, halte et autres. Des chasseurs de primes et des hors-la-lois. Des blancs et un noir. Des hommes et une femme. Depuis Inglourious Basterds, l'échiquier Tarantino a changé. Le Fou n'a plus le monopole des diagonales vertigineuses versant immanquablement dans le flot d'hémoglobine. Depuis IB, Tarantino s'est approprié la Reine, le pion dominant qui vampirise les pouvoirs des autres. Oui, les références sont toujours là, et en catalogue (The Thing, Evil Dead, Morricone, Le Grand Silence...). L'autocitation devient également plus présente (Roth, Madsen, Sam J, Red Apple, etc...). Tarantino a mûri son cinoche. Même si Jackie Brown était déjà un film au rythme plus posé, aux scènes nostalgiques. Avec les Huit Salopards, on a un film best-of et à la fois un nouveau départ, une synthèse de 25 ans de carrière et un nouveau ton. Tarantino est devenu plus qu'un auteur de riffs, plus qu'un déglingué pop. Il est devenu un auteur, au sens écrivain du terme. Sa mise en scène, que certains oublient volontiers pour ne garder que le scénario, est brillante, Ultra Panavision mise à part. Dans IB, il court-circuitait l'Histoire avec un grand H, versant dans l'anachronisme bordélique et jubilatoire. Sa version de l'esclavage dans Django devenait un western de blaxploitation avec l'esclave devenant super-héros. Cette fois-ci, on retient les chevaux et les attèle à une diligence traînée dans la neige. Le temps est figé par les éléments. Les temps sont figés eux aussi. Au lendemain de la Guerre Civile, il n'y a plus deux camps: les bleus contre les gris. Il reste les animosités, les plaies et les mensonges. Les Huit Salopards, c'est l'histoire d'une paranoïa accrue. L'histoire d'une bande de menteurs, de raconteurs invétérés, aussi bavards que leur créateur, aussi manipulateurs. Tarantino n'est jamais là où l'attend: il vend un slasher movie et nous donne des cascades en bagnole, on attend un film de guerre et on n'a aucun champ de bataille, les Huit devaient être un western-spaghetti, on se retrouve avec un huis-clos théâtral penchant un court instant dans le whodunit d'Agatha avant d'être agrippé par la tignasse par Maîtres Carpenter et Raimi. Une vraie décharge de chevrotines dans les boules. Un huitième film qui fait applaudir des deux mains. A moins qu'un coup de machette ne vous ait allégé le bras...

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